Episode 2

Le Général Sevrilla était un grand homme aux épaules larges et à la mâchoire carrée. Enfoncé dans son fauteuil de cuir, il posa un pied sur la table et s'alluma un cigare avant de reposer la boîte sur son bureau et de la faire glisser dans notre direction, nous invitant d'un geste à nous servir.
Jose fut le seul à accepter.
SEVRILLA : Merci à vous tous d'être venus.
Il parlait d'une voix forte et s'exprimait avec un accent très prononcé dans un odysséen approximatif.
SEVRILLA : Je ne crois pas avoir été présenté à votre nouvelle associée.
Il m'adressa un grand sourire qui me rappelait un peu celui que Husker affichait en permanence mais portait bien mieux.
Je fis comprendre à Roxane d'un regard que cette rencontre ne me plaisait pas du tout. Elle m'ignora et répondit à Sevrilla d'une voix calme et assurée.
ROXANE : Visala fait partie de notre équipe maintenant. Elle est chargée de surveiller Jose. Comme vous avez pu le constater, c'est une tâche difficile.
Jose n'avait pas entendu que nous parlions de lui. Il était occupé à graver ses initiales sous le bureau de notre hôte à l'aide d'un massif couteau qui passait pour un canif entre ses mains de géant.
Sevrilla garda les yeux sur moi et poursuivit.
SEVRILLA : Je suis navré que vous ayez dû assister à cette démonstration de violence. Soyez assurée que les deux soldats ont été sévèrement réprimandés pour leurs actes inacceptables.
VISALA : Je n'en doute pas.
Flux me lança un regard pensif puis étouffa un ricanement dans sa barbe. Je fronçai les sourcils, me demandant ce qui avait pu lui passer par la tête.
ROXANE : Maintenant que cette histoire est derrière nous, si nous parlions affaires ?
SEVRILLA : Avec plaisir ! Comme je vous le disais, je vous suis reconnaissant d'être venus jusqu'ici. Vous m'avez été vivement recommandés, et je ne pouvais me satisfaire que des meilleurs.
ROXANE : Moi qui m'étais promis de ne pas rougir.
Sevrilla sourit poliment, mais redevint rapidement sérieux lorsqu'il en arriva finalement à la raison pour laquelle il avait fait appel à nous :
SEVRILLA : La jungle d'Izzril est un endroit dangereux, comme vous le savez certainement. Très dangereux. Il est facile de s'y perdre, et les animaux sauvages sont une menace de taille. Sans compter quelques tribus hostiles.
VISALA : Vous avez besoin de nous pour vous tenir la main dans la méchante jungle, Général ?
Sevrilla m'ignora. Roxane me lança un regard perplexe alors que Flux tentait à nouveau de cacher son air amusé et que Jose finissait de graver la date du jour sous ses initiales.
SEVRILLA : Les disparitions ont toujours été un problème. Mais elles arrivent de plus en plus souvent. Et je ne sais plus quoi faire.
ROXANE : Vous voulez que nous retrouvions des touristes égarés ?
SEVRILLA : Si vous pouvez les ramener sains et saufs, tant mieux. Mais je n'y crois pas. Ces pauvres gens sont certainement morts depuis longtemps.
FLUX : Vous pensez que quelqu'un ou quelque chose est à l'origine de cette recrudescence des dispritions ?
SEVRILLA : Oui. Je ne sais pas de quoi il s'agit, mais je pense savoir où le trouver : Marb Kuoz.

ROXANE : Flux ?
FLUX : Un ancien temple de la mort abandonné depuis plusieurs décennies, si mes souvenirs sont bons.
SEVRILLA : Il avait été dédié au grand prêtre de la mort Kuoz, qui n'en est jamais ressorti d'après la légende.
ROXANE : Et vous pensez que ces disparitions sont liées au temple ?
SEVRILLA : Oui.
FLUX : Soyons clairs, si vous le voulez bien, vous êtes bien en train d'insinuer que ces gens ont été enlevés par des esprits ?
Sevrilla acquiesça d'un hochement de tête dramatique et un silence pesant s'installa dans la pièce, alors que Roxane et Flux songeaient à ce qu'ils venaient d'entendre. Jose avait commencé sous ses initiales et la date ce qui ne pouvait être qu'une caricature de Sevrilla, qui attendait toujours que l'un d'entre nous reprenne la parole.
Ce fut moi.
Je pouffai d'un rire volontairement insultant et lui lançai un regard noir.
VISALA : Des esprits, vraiment ?
SEVRILLA : J'espère me tromper.
VISALA : Et votre fière armée n'était pas capable d'enquêter elle-même ?
ROXANE : Visala, tu vas donner au Général l'impression que son contrat ne nous intéresse pas.
SEVRILLA : Mes hommes sont trop superstitieux pour entrer dans Marb Kuoz.
VISALA : Ils m'avaient l'air particulièrement courageux, pourtant, lorsqu'ils battaient une femme à terr...
ROXANE : Visala, assez !
Roxane se leva d'un bon, faisant même vaguement sursauter Jose, qui manqua de se couper un doigt avec son couteau. Flux se redressa à son tour et, comme à son habitude, entreprit de détendre l'atmosphère.
FLUX : Nous acceptons bien entendu votre contrat, Général. Puisqu'aucun de nous ne croit aux esprits, explorer Marb Kuoz ne sera pas un problème.
Roxane se laissa influencer par le calme de Flux et fit un pas vers la porte, un peu apaisée.
ROXANE : Nous discuterons du prix une fois que nous en saurons plus sur ce qui nous attend là-bas.
SEVRILLA : Bien sur, tout ce que vous voudrez, si vous me débarrassez de ce cauchemar ! 
Il nous raccompagna dehors et nous souhaita bonne chance avant de prendre congé.
Roxane passa devant nous sans un regard et s'adressa à moi d'une voix froide.
ROXANE : La prochaine fois, c'est moi qui parle.
Flux s'arrêta à son tour devant moi et me lança à nouveau un regard amusé.
FLUX : Du sarcasme ? Je ne t'avais encore pas vue comme ça.
Son sourire s'élargit.
FLUX : Elle déteint sur toi, Visala.
Il s'éloigna lui aussi, me laissant seule avec Jose au milieu de la route principale de Malthura. Celui-ci passa un bras autour de mes épaules et poussa un soupire.
JOSE : Je déteste donner raison à Flux... Mais il a raison tu sais.
Il éclata de rire, laissant tomber son cigare encore éteint d'entre ses dents, et m'entraîna vers les autres, et vers le parking où la jeep nous attendait, prête à nous emmener au plus profond de la jungle d'Izzril.

A suivre...